dimanche 26 mai 2013

RACHID TAHA - Zoom


Pour son neuvième album solo, Rachid Taha nous transporte dans un bouillonnement multiculturel. Entre Rock, Raï, Blues, Dub ou Western Spaghetti, le voyage n'aura aucune frontière, un métissage de sons et d'idées, pour une musique qui rejaillit belle et nouvelle. Politique assurément, tant dans le fond que dans la forme, ce disque est punk autant que traditionnel. A cinquante ans passés, le chanteur n'a pas remisé sa rage au garage et c'est tant mieux.

Décor à la Sergio Leone, le pistolero est arabe et le désert différent; la musique soulève la poussière, elle déchire la nuit de son cri du coeur. "Wesh (N'Amal)", le morceau d'ouverture, est une pure merveille. "Zoom Sur Oum", parole de Jean Fauque pour un vibrant hommage à Oum Kalsoum, nostalgie. "Jamila" aborde le thème délicat du mariage forcé, porté par un orient-punk electro juste démentiel. Autre grand moment: la relecture aérienne de "Now Or Never" d'Elvis Presley, c'est splendide ce mariage entre Orient et Occident, un truc à faire tomber tous les murs. Retour vers des climats de Western avec "Ana", superbe ballade aux accents country avec toujours ce rêve d'Orient, habile. "Les Artistes" traîne son blues voyageur en mode swamp rock dans la boue du bayou, pas de passeport, pas de visa pour encombrer l’expédition. Puis c'est "Algerian Tango", un bouillonnant dub balancé avec l'ami Mick Jones du Clash, cela rappelle les grandes heures de "Sandinista" ou "Black Market Clash". Le duo continue de nous surprendre avec une nouvelle version de "Voilà Voilà", mais cette fois ils sont rejoints par Brian Eno. Vingt ans après, ce morceau est toujours tristement d'actualité, à la mémoire on a bien choisi l'oubli....

Putain de disque!

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jeudi 23 mai 2013

Jeu sans frontières sixième édition


Tremblez bourgeois, entendez-vous ces trompettes qui résonnent? Elles annoncent la venue d'une horde de sauvages complètement barjots, les enceintes crachent leurs sons saturés et écœurants, vos paisibles bourgades se transformeront en antichambres de l'enfer, ce sera Sodome et Gomorrhe!!! Pendant quinze jours, du 10 au 22 juin de l'an 2013, après on remballe tout et on rentre tranquillement chez nous...

Vous l'aurez sans doute compris, le jeu sans frontières reprend!!!!  C'est Sorgual qui a préparé les thèmes pour cette saison...

Pour les inscriptions ou d'autres infos c'est par là!

mardi 21 mai 2013

ALICE COOPER - Retour en force - 1986-1994


Lorsque Alice Cooper revient sur le devant de la scène en 1986, soit près de trois années après son précédent album, il est enfin sobre. Une guérison qui est le fruit d'un grand effort personnel mais aussi d'une recontre avec... le golf! Car oui, les caddies et autres clubs ont sauvé la vie de notre croque-mitaine préféré. Une renaissance certes moins dans le ton du personnage qu'une énième résurrection de Jason Voorhees, mais qu'importe. Alice revient plus en forme que jamais; que le spectacle commence!


Constrictor débarque dans les bacs des disquaires en septembre 1986, et c'est une machine bien huilée, créée pour la jeunesse américaine qui s'abreuve de films de série B et autres comics horrifiques. Aujourd’hui, il est très difficile d'écouter les albums de cette période au premier degré, tant ceux-ci sont datés. Mais même si tout cela manque cruellement d'âme (le prix à payer pour un retour triomphant?), il y a comme toujours chez Alice de quoi se repaître de quelques pépites bien grasses. Comme par exemple le tonitruant "Teenage Frankenstein" ou le synthétique "He's Back (The Man Behind The Mask)", une chanson créée pour la bande originale du sixième volet de la saga Vendredi 13. Si le succès n'est pas encore tout à fait au rendez-vous, au moins les salles de concert sont pleines et ça, c'est quand même une putain de bonne nouvelle.

Un an plus tard c'est au tour de Rise Your Fist And Yell de prendre d’assaut les ondes. Bâti sur les mêmes bases que le précédent, celui-ci est plus heavy encore. Le constat reste le même, c'est marrant mais pas glorieux non plus. Quelques titres surnagent, "The Prince Of Darkness" ou "Gail", mais dans l'ensemble ce n'est pas bien folichon. Par contre, les concerts marchent bien et le public mord à l'hameçon, alors pourquoi s'en priver?


En 1989, Alice Cooper passe encore à la vitesse supérieure avec Trash, un blockbuster taillé pour les stades. Le disque est surproduit par Desmond Child, alors roi du hard rock FM. Difficile pour le fan de la première heure de trouver son compte dans ce flot de titres sans passion. Tout ceci est très bien écrit, imparable, mais c'est vide, sans aspérité aucune. L'album se vend bien, même très bien, porté par le succès du hit-single "Poison". Le Coop' et son entourage ont trouvé la formule magique et ils ne se privent pas de l'utiliser.

Bâti une fois encore sur le même modèle, Hey Stoopid arrive en juillet 1991 pour conquérir le monde. Si celui-ci est un poil plus intéressant que Trash, car plus varié, ce n'est tout de même pas encore la grande joie. La liste d'invités prestigieux n'y changera rien. Déjà en 1991, ce hard rock de pacotille est dépassé, l'album est caduc d'entrée de jeu, au suivant!


1994, The Last Temptation est un soulagement pour bien des amateurs du Coop', enfin un peu de sang neuf. C'est le premier concept album d'Alice depuis From The Inside en 1978, il raconte l'histoire d'un démon qui tente de corrompre un enfant innocent. Le disque sera même accompagné d'un comic book franchement bon de Neil Gaiman, l'auteur de Sandman. Le morceau d'ouverture "Slideshow" est une véritable petite merveille, on retrouve en partie ce que l'on avait aimé sur Welcome To My Nightmare. S'en suit un beau chapelet de titres forts tels que "Nothing's Free", "Lost In Amercia" ou "Cleansed By Fire". Assurément le disque de la résurrection artistique. Bizarrement Alice ne tournera pas pour promouvoir The Last Temptation, alors qu'il y avait matière à faire un beau spectacle.

Malgré une production musicale assez faible en terme de qualité, c'est bien cette image-là d'Alice Cooper qui semble avoir marqué l'inconscient collectif. C'est également durant cette période qu'il multiplia les apparitions au cinéma, souvent dans des séries B, mais aussi dans Le prince des ténèbres, un film glaçant du génial John Carpenter. En prenant du recul, que nous reste-t'il? Une pelleté d'albums bien fun et second degré à prendre comme tel; un peu comme une fête d'Halloween qui durerait toute l'année.

samedi 11 mai 2013

KADAVAR - Abra Kadavar


L'infirmière a beau être sexy comme un enfer avec ses fishnets noirs sous sa blouse blanche laissant entrevoir son intimité pulmonaire, lorsqu'elle débarque l'air vicelarde avec sa grosse seringue, on ne fait pas le malin. Direct dans les fesses; le sérum? Un mélange graisseux de Grand Funk et de Black Sabbath. Un truc qui vous colle la patate, un énergisant apte à vous faire courir une étape du Tour de France. Du bon gros hard typé seventies avec la dose de psychédélisme qui va bien. Rien que la pochette, du lourd avec les trois barbus qui semblent sortir tout droit du sud profond des Etats-Unis, alors que le groupe est Berlinois... Le power trio est formé de Lupus Lindemann (Guitare/chant), de Tiger (batterie) et de Mammut (basse), que Nicky Larson n'a visiblement pas vaincu ...

Réanimation du cadavre avec le bien nommé "Come Back Life", riff lourd, batterie qui cogne dru et basse grasse comme rarement; du classique rien que du classique, mais que c'est bon. Cassure de rythme typique d'une époque révolue, solo ciselé de Stoner halluciné, Kadavar file tout le jus nécessaire pour que son Frankenstein batte la mesure. "Eye Of The Storm", perdu dans l'oeil du cyclone, le chaos autour de nous, arbres déracinés, voitures détruites, la tempête dévaste tout, c'est le son de l'apocalypse. "Dust" démarre dans la poussière avant de la faire se vaporiser dans un nuage sombre à grand renfort d'amplificateurs poussés à leur zénith! Pour son final, le trio Berlinois s'offre un trip profond sur fond de psyché plombé, les sons se distordent et saturent dans un voyage acide et désertique.

Bien sûr, Kadavar n'a pas inventé l'eau chaude, les vieux routards du hard n'y verront peut-être qu'une redite de leurs premières amours, mais force est de constater que la chose est rudement bien troussée. Un bon gros disque de hard-rock bien lourd et pas prise de tête, tout bon quoi!

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N°104 MOS DEF - The New Danger - 2004


Chronique fiévreuse d'un skeud bouillant, pas de format, pas de frontières, repousser constamment les murs, en les abattant à grands coups de masse. Comme deux théories opposées qui s'accouplent, Mos Def marie le rock millésimé et l'hyper hip-hop dans une orgie monumentale. Comme si la physique quantique et la relativité trouvaient l'harmonie dans les vibrations multi-dimensionnelles des cordes. Fourre-tout magique, du chaos naît la beauté, le big bang!

Jazz déconstruit et flow ultra-cool, "The Boogie Man Song", le rappeur nous accueille gentiment avant de nous foutre une grosse claque dans la gueule avec le funk métallique de "Freaky Black Greetings". Five To One, On In Five & Rap Shit, quand les Doors explosent en plein trip gangsta rap le résultat se nomme "The Rape Over", aussi court que furieux! Puis c'est le blues, d'une pureté folle, un blues qui sent les marécages du vieux sud, un sud de coiffes blanches, un sud révoltant, étrange fruit. "Blue Black Jack" convoque le fantôme de RJ et le diable pour une fiesta meurtrière qui finira dans le feu ardent des enfers. Le grand détournement,  laissons entrer le soleil, Hair au pays des revendications et du rap dur, original. "Sunshine" chef-d'oeuvre de recréation hasardeuse et de sampling bizarre, mais d'une implacable logique. Plus loin, "Grown Man Business" traîne le graisseux morse Barry White dans un ghetto aux couleurs 70's. Eh Mec! C'est pas Gil-Scott Heron qui marche sur trottoir là-bas? Après, c'est "Modern Marvel", longue fresque aux multiples facettes, soul-rap ultime et exigeante. Le vinyle gratte sous le saphir usé d'une vieille platine, le gars vocalise sévère avant d'entamer un rap redoutable sur un beat groovy qui tue! Ballade soul percussive, stéréo stéréotypée du plus bel effet, "The Beggars" sent le bitume et la pluie. L'odeur des errances alcoolisées quand l'amour nous a flingué, toujours le même thème, avec ces femmes volcaniques et sans pitié. Avec ce morceau Mos Def prouve qu'en plus d'être un rappeur d'une technicité redoutable, il est également un chanteur impeccable.

"The New Danger" n'a aucune limite, il n'est pas facile d'accès de par sa longueur, et sa construction peu conventionnelle. Son aura dépasse de loin les frontières étriquées du rap US.

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mercredi 8 mai 2013

N°103 BLANCHE - Little Amber Bottles - 2007


De toute la scène rock du Détroit des années 2000, Blanche est peut-être le groupe le plus atypique. Loin de la furie garage de bon nombre de leurs confrères, les membres du groupe distillent une country d'une classe inouïe. Le Graal, la quintessence d'un genre tombé en désuétude ou cantonné à des productions bâclées, qu'il est préférable de substituer par un bon disque d'americana. Mais d'americana ou de "New-Country" il n'est point question ici, car Blanche se pose en digne héritier de Lee Hazlewood ou de Johnny Cash. De la country pur jus mais avec la classe qui sied parfaitement au genre.

"I'm Sure Of It" c'est du Lee Hazlewood tout craché avec cet entremêlement de voix entre Dan John et Tracee Mae, ce qui n'est pas sans rappeler le duo que formait le génial moustachu avec Nancy Sinatra, même allure, même charme intemporel. "What This Town Needs" démarre sur réminiscence du thème du Cheyenne d'Ennio Morricone avant de partir dans une country-pop simplement parfaite, et toujours ce thème au banjo qui revient de temps à autre. "No Matter Where You Go..." traîne son tempo ralenti dans la poussière rouge d'un désert émotionnel, les cordes vous happent vers les profondeurs tandis que la voix de la chanteuse apporte de la lumière, mais il est trop tard, les ténèbres sont en marche. Plus loin, le "Child Of The Moon" des Stones se voit métamorphosé en une splendide ballade sans égal. La fin de l'album s'offre des airs d'apocalypse avec le diptyque "(Exordium)" et "The World's Larget Crucifix", une folie sombre sur le fil du rasoir. Le sang va couler dans la plaine et personne ne sortira d'ici vivant, pour une fois il aurait été plus sage d'écouter les messages d'alerte du vieux fou. Ce soir, l'homme va mourir et son monde avec lui. Au milieu des décombres le son d'un 78 tours, celui de "Little Amber Bottles"...

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dimanche 5 mai 2013

IMPULSIONS ELECTRIQUES - Blog poétique et visuel-


Amateur de photographie, de belles images et de textes inspirés, le nouveau blog de Sadaya (émérite chroniqueuse BD) est fait pour vous. Celui-ci se nomme Impulsions électriques et il est le support de ses errances visuelles et artistiques. Chaque série de photos sera accompagnée d'un petit texte poétique et un peu fou, comme une sorte de guide qui n'en est pas. Il se peut que je participe à l'avenir de manière épisodique à cette nouvelle aventure. 

Si par hasard des maestros de l'objectif seraient amenés à traîner leurs rétines sur ce nouveau terrain d'expression, je tiens à leur préciser que c'est le fruit d'un oeil amateur. Qui pour le moment travaille plus avec son âme qu'avec une technique et des moyens évolués. Alors plutôt qu'une critique sommaire, merci d’aiguiller l'artiste vers les sommets de l'art visuel.  

A la manière des premières oeuvres de groupes de rock, encore un peu vertes (au propre comme au figuré), ces photographies sont brutes, instinctives et essentielles.

samedi 4 mai 2013

ALICE COOPER - Gloire et décadence - 1975-1983


Alice Cooper le groupe, devient Alice Cooper l'homme, la créature, la maniaque échappé d'une série B. Welcome To My Nightmare, le premier disque en solo d'une longue liste, débarque sur nos terres hostiles en 1975. C'est un album-concept narrant les visions cauchemardesques du jeune Steven, qui deviendra un personnage récurent dans l'univers horrifique du Coop'. Steven sera à nouveau le "héros" du très bon Welcome 2 My Nightmare paru en 2011.


Dans Welcome To My Nightmare, tout a été conçu pour le spectacle à venir, théâtral jusqu’au bout des ongles, cet album est une fresque hallucinée en cinémascope. Si cela n'est pas entièrement nouveau, les albums du Alice Cooper Band possédaient déjà leur lot de théâtralité, Welcome To My Nightmare va beaucoup plus loin. Ici nous avons véritablement affaire à de l'entertainment, une sorte de show déviant dont Barnum lui-même n'aurait pas boudé l'idée. Musicalement, ce disque est le chef-d'oeuvre d'Alice, servi par une production du tonnerre assurée par le fidèle Bob Ezrin, sans oublier son casting de luxe, avec entre autres Dick Wagner et Steve Hunter aux guitares. L'album contient son quota de titres forts tel que le glaçant "Steven", longue odyssée horrifique dans les névroses du personnage principal. C'est avec ce disque que démarre également l'habitude que prendra le Coop' de flanquer chacun de ses albums d'une ballade sirupeuse. Ici le rôle est tenu par "Only Women Bleed", qui pour le coup est une vraie bonne chanson, elle sera même reprise par Etta James. A noter également la présence du grand Vincent Price, qui récite sadiquement les effets du venin de la veuve noire sur l’organisme humain, du grand art. Michael Jackson s'en souviendra pour son "Thriller".

En 1976, Alice Cooper Goes To Hell débarque dans les bacs, le disque était censé être la bande-son d'un nouveau spectacle. Mais celui-ci ne verra jamais le jour, les problèmes d'alcool d'Alice étant devenus trop lourds. Concrètement cet album est un peu le jumeaux famélique de son prédécesseur. D'ailleurs le succès ne sera pas au rendez-vous. Mais cette "décente aux enfers" est loin d'être un mauvais disque, même s'il échoue là où Welcome To My Nightmare triomphait, il n'en demeure pas moins une oeuvre intéressante. Un album à redécouvrir. Goes To Hell reste encore aujourd'hui l'un des albums les plus complets d'Alice Cooper. Et puis l'enfer du disque c'est le Disco! Comment ne pas plonger tête baissée dans un concept aussi barré?


L'affaire se corse avec Lace And Whiskey qui paraît en 1977, une année punk, mais pas pour Alice qui nous pond un nouveau concept se réclamant du polar-noir. Bon à l'écoute, ce n'est pas probant. Ce disque méconnu et sous-estimé mérite encore une fois d'être redécouvert, tant il est atypique et agréable, et tant pis si le concept est foireux. En dehors des titres rock que sont "Lace And Whiskey", "Road Rats" ou la reprise de "Unbangi Stomp", la véritable force de l'oeuvre réside dans ses fulgurances alambiquées. En gros la quasi-totalité de la face B que l'on pourrait qualifier de génial suicide. Des mélodies barrées, du kitsch, du drolatique avec une bonne dose de déviance. Un régal.

En 1978 débarque From The Inside écrit en collaboration avec Bernie Taupin (oui, celui d'Elton John). Les deux compères se sont rencontrés en H.P, histoire de soigner leurs addictions. From The Inside est encore une fois un concept-album, il dresse les portraits des divers personnages composant la faune d'un hôpital psychiatrique. Musicalement très propre, ce disque est peut-être le moins hard d'Alice, il n'empêche que c'est une réussite totale. A la fois dérangeant par son thème et très mainstream dans sa forme, From The Inside est redoutable. Son final, "Inmates (We're All Crazy)" est peut-être ce que le Coop' a pondu de plus intense dans le genre.


Maintenant nous allons plonger dans ce que l'on pourrait aisément nommer la trilogie du chaos. Flush The Fashion, Special Forces et Zipper Catches Skin parus respectivement en 1980, 81 et 82, forment un bordel sans nom, sans réelle direction artistique. La production est souvent bancale et les compos bâclées,  mais malgré tout il y a de quoi trouver son compte dans chacun de ces albums maudits. Alice s'enfonce dans ses problèmes d'alcool et tout le monde se fout de la qualité, producteurs, musiciens, maison de disque et même le principal intéressé. Cette série de disques s'écoute comme on regarde une bonne série B, et puis ils contiennent tous des fulgurances magnifiques.


En 1983, Bob Ezrin reprend en main la maison Cooper laissée à l'abandon et offre au Coop' son disque le plus particulier. Dada est un chef-d'oeuvre torturé, fini le grand-guignol, ici l'horreur est glaçante. Le sordide morceau d'ouverture vous fera hérisser le poil; viscéral, synthétique et glauque, l'ambiance est posée. Ce disque fut un échec commercial, la maison de disque ayant totalement lâché l'affaire, aucune promotion ne sera assurée pour sa sortie. Et pourtant les titres forts ne manquent pas, "Former Lee Warmer", "I Love America" ou "Pass The Gun Around". Que du bon.

En huit ans et une pelletée de disques, Alice Cooper aura vécu une décente aux enfers aussi bien fictive que réelle, les albums de cette période sont d'une qualité variable, mais toujours riches. Une richesse qui se perdra quelque peu par la suite avec des disques plus calibrés mais au succès retentissant. Mais ça, c'est une autre histoire...

mercredi 1 mai 2013

CASH - American Recordings - Un phénix renaît de ses cendres



Une rencontre décisive.
On ne peut pas dire que Johnny Cash était au sommet de la gloire lorsqu'il pénétra dans le salon de Rick Rubin pour enregistrer, seul à la guitare, le premier volume de ce qui deviendra l'une des plus belles épopées de l'histoire du rock, à savoir la série des American Recordings. L'homme a beau avoir publié un paquet de disques durant les deux décennies précédentes, peu auront marqué les esprits. Souvent à cause d'une production trop lisse ou d'un manque cruel d'âme, et ce malgré la voix toujours impeccable de l'homme en noir. On touchera le fond vers la fin des années 80 avec l'ère Mercury et ses albums bas de gamme sortant dans l'indifférence la plus totale. Cash est has-been, personne n'irait miser un kopeck sur l'ancienne légende de la country. A l'exception de l'excentrique Rick Rubin, célèbre producteur de hip-hop et de métal, co-fondateur du label Def-Jam et patron de sa branche "rock" American Recordings. Il est également connu pour avoir créé des ponts entre l'univers du rap et du rock, notamment avec le célèbre duo Run D.M.C. / Aerosmith, "Walk This Way". 

Lorsque Rick contacte Cash, ce dernier hésite, pourquoi ce "hippie" s'intéresse-t'il à lui? Rubin produit des artistes se trouvant à des années lumières de son univers... C'est John Carter Cash, son fils, fan de métal, qui trouvera les arguments pour le persuader d'accepter l'offre de Rick Rubin. Le producteur donne à Cash la possibilité de faire un album guitare-voix, une chose dont rêve le chanteur depuis longtemps. Rubin part d'un postulat simple: si les démos sont meilleures que l'album, alors les démos seront l'album.


Renaissance artistique et critique.
Le premier volume de la série est comme les autres essentiellement composé de reprises, mais il a la particularité de n'avoir aucun arrangement. Juste l'homme en noir, sa voix d'or et sa guitare, c'est cette simplicité qui offre toute sa chaleur au disque. Rick Rubin s'est contenté de faire tourner le magnéto, laissant Cash ouvrir son gigantesque juke-box mental, sa boite de pandore rock. J.R. chante les chansons qu'il aime, même si parfois Rubin lui en propose également ("Thirteen" de Glenn Danzing) et c'est là tout son génie. En ne parasitant pas l'art primaire mais en aiguillant juste son artiste, le producteur tire le meilleur de celui-ci, à tel point que le disque semble être plus un récital au coin du feu, qu'un album manufacturé. Pour l'anecdote, les chansons "Tennessee Stud" et "The Man Who Couldn't Cry" ont été enregistrées en live au Sunset Strip, un club de Los Angeles qui appartenait à Johnny Depp à l'époque. L'album remporta un fort succès critique et public, amplement mérité.

Pour le second volume, "Unchained", Johnny Cash est accompagné par Tom Petty And The Heartbreakers, l'album est plus rock, avec ses reprises de Beck ou de Soundgarden. En fait, ce disque est le plus "rusty" de toute la longue discographie de l'homme en noir. C'est encore une réussite. Peut-être l'opus le plus accessible de la série.
                                                   
Solitary Man Comes Around....

Le troisième volume sort en septembre 2000: "Solitary Man" reprend les qualités des deux premiers opus tout en trouvant le juste point d'équilibre entre leurs deux visions de l'art de Cash. S'ouvrant avec l'intense reprise de "I Won't Back Down" de Tom Petty pour nous offrir ensuite un chapelet hallucinant de chef-d'oeuvres. Ses relectures très personnelles de "One" de U2 ou de "I See A Darkness" de Bonnie Prince Billy sont des preuves supplémentaires de la faculté que possède Cash de faire sienne toutes les chansons qui croisent sa route.  

Le volume quatre débute, une fois n'est pas coutume, avec une composition personnelle et non des moindres. "The Man Comes Around", la chanson titre, est une hallucination onirique sur la mort et aussi un chef-d'oeuvre d'intensité. Comme il l'aura fait tout au long de sa carrière avec un grand nombre de morceaux, Johnny Cash sublimera "Hurt" de NIN, transformant ce sommet torturé en montagne émotionnelle infranchissable. "The Man Comes Around" sera le dernier album publié par l'homme en noir de son vivant. Un disque sombre portant le sceau de la mort.

Post-mortem.
Après le décès de Johnny Cash le 12 septembre 2003, le label American continuera de sortir coffret et albums, tous d'une grande tenue. D'ailleurs on ne peut prétendre plonger dans cette période de la carrière de Cash en faisant l'impasse sur les volumes V et VI, mais surtout sur l'immense coffret "Unearthed". Un bel objet toilé composé de cinq cd dont quatre remplis d'inédits d'une qualité renversante, incluant cette reprise magique de "Redemption Song" en duo avec Joe Strummer. Mais gageons que cette belle série n'est pas encore tout à fait terminée, il reste du rab' dans les tiroirs. Il parait même qu'une version de "Personnal Jesus" fut enregistrée avec Alice Cooper.

Les dix dernières années de sa vie, Cash aura renoué avec le succès, aussi bien critique que public. Passant du statut de has-been à celui de légende vivante. Mais cette série de disques lui aura aussi permis de passer de vie à trépas avec tout l'égard du à sa personne. Un grand homme, un immense artiste, une voix éternelle.